Marie-Laure Dreyfuss, grand témoin du rapport annuel 2022

Marie-Laure Dreyfuss, Déléguée Générale du CTIP, expose sa vision sur l’évolution des métiers de la protection sociale

Marie-Laure Dreyfuss, Déléguée Générale du CTIP, le Centre Technique des Institutions de Prévoyance, nous fait l’honneur d’être le grand témoin de notre rapport d’activités 2022. Elle nous livre sa vision sur l’évolution des métiers de la protection sociale au regard des évolutions de notre société.

Marie-Laure Dreyfuss, quel regard portez-vous sur les évolutions en cours dans notre secteur ?

Tout d’abord, je tiens à remercier très sincèrement le Groupe APICIL de m’avoir proposé d’être le grand témoin de cette édition 2022. Depuis 2020, nous vivons des années chahutées qui impactent directement l’environnement des institutions de prévoyance (IP).

Avec la pandémie, les IP ont démontré leur force de mobilisation aux côtés des entreprises et des salariés. Chacun a pu mesurer la réactivité de ces organisations paritaires : ce type de gouvernance est un véritable facteur différenciant dans le monde de l’assurance. Grâce à leur relation de proximité avec les entreprises et les salariés, les IP se sont rapidement mobilisées pour soutenir les structures les plus en difficulté, en leur accordant notamment des délais de paiement ou des exonérations de cotisations.

Elles sont également venues en aide aux salariés en prenant en charge les indemnités journalières des personnes fragiles, en maintenant la couverture de ceux qui étaient en activité partielle, en mettant en place des plateformes téléphoniques de soutien, etc. Au total, les IP ont débloqué plus d’un milliard d’euros, assuré une réelle continuité de service et conforté ainsi leur légitimité d’acteurs paritaires.

Aujourd’hui, si l’aspect sanitaire de cette crise semble derrière nous, les IP doivent faire face à un environnement en pleine mutation, et ce de façon bien plus marquée qu’il y a 10 ou 15 ans. Avec un départ à la retraite qui s’effectue actuellement en moyenne à 63 ans, elles doivent notamment composer avec le vieillissement de leur portefeuille et continuer à couvrir, de façon mutualisée, des profils de risque très différents.

D’autre part, l’inflation actuelle est une donnée supplémentaire qui était absente de leurs paramètres. Enfin, la règlementation croissante imposée par les pouvoirs publics, en particulier autour de l’activité santé, fait partie des nombreuses contraintes qu’elles doivent gérer au quotidien.

Et comment ces évolutions impactent les IP ?

Pour nos groupes de protection sociale, ces évolutions impliquent d’aller vers une gestion toujours plus rigoureuse de leurs engagements et une recherche d’optimisation des process tout au long de la chaîne de valeur afin de pouvoir maintenir l’excellent rapport qualité / prix qui caractérise ces organismes paritaires.  Sur un autre plan, j’ai également l’impression que cet  environnement en perpétuelle mouvance, incite les groupes à élargir leurs socles de services et de prestations pour répondre à la demande sociale toujours plus forte en matière de santé et de prévoyance.  Grâce à leur gestion paritaire, ils peuvent d’ailleurs  se projeter sur le long terme.  Cette approche leur permet d’investir et d’aider à développer des champions nationaux comme l’a fait par exemple Apicil avec Bluelinea.

Observez-vous néanmoins des évolutions positives ?

Oui, tout à fait ! Nous constatons notamment une appétence de plus en plus forte des Français pour une meilleure protection sociale. De nouveaux champs sont à explorer en matière de protection sociale complémentaire : il appartient aux IP de se saisir de cette opportunité en proposant aux entreprises et aux branches des solutions innovantes.

Au CTIP, dans ce contexte, nous travaillons à ce que les atouts du contrat collectif géré par les IP soient davantage reconnus et visibles. Nous devons par exemple faire en sorte que les salariés aient une meilleure connaissance de l’apport de leur complémentaire santé. C’est le cas pour une partie d’entre eux, mais il y a encore des marges de progrès. Selon notre baromètre CTIP-Credoc de 2021 (mené auprès de 1000 entreprises et 1000 salariés couverts par l’ensemble des familles d’assurance), six salariés sur 10 considèrent que leur complémentaire santé est au juste prix ou peu chère.  Et 83 % des personnes interrogées considèrent que la prise en charge partielle des cotisations par l’employeur est un véritable avantage. Autrement dit, les IP sont des acteurs qui contribuent clairement au maintien du pouvoir d’achat.

6 salariés sur 10 

considèrent que leur complémentaire santé est au juste prix ou peu chère. 

Comment les entreprises peuvent-elles accroître leur rôle en matière de prévention, et comment les y aider ?

J’observe que la pandémie a accentué les préoccupations des salariés en matière de prévention santé et que les entreprises deviennent de plus en plus des partenaires clés sur ces questions. Ces dernières ont tout à y à gagner : dans un contexte de recrutement tendu, ces actions de prévention peuvent devenir des leviers de fidélisation. C’est d’ailleurs la protection sociale complémentaire dans son ensemble qui est en passe d’être reconnue comme un excellent outil d’attractivité.

Revenons à la prévention. Les partenaires sociaux se sont réellement emparés du sujet. Ainsi, en 2022, sur les 65 accords de branche en prévoyance de plus de 50 000 salariés, 25 accords couvrant 8,5 millions de salariés ont négocié des actions de prévention qui répondent à des besoins propres des entreprises et salariés de la branche. Ces accords permettent notamment aux PME de s’intéresser de plus en plus à ces sujets. Sur ce sujet, le CTIP n’est pas en reste. Début 2022, notre conseil d’administration (paritaire comme ceux de nos adhérents) s’est fixé, parmi ses objectifs prioritaires, la promotion des actions de prévention mises en place par les IP dans les entreprises et les branches.

Enfin, en matière de prévention, il est difficile de ne pas évoquer l’aide aux aidants. Actuellement, un salarié sur 5 est aidant, et on prévoit qu’un salarié sur 4 le sera en 2030. Les IP ont été pionnières dans ce domaine et doivent faire reconnaître leur capacité à co-construire des solutions avec toutes les parties prenantes. Ce sont elles qui ont fait de l’entreprise un territoire de santé en développant une multitude de services destinés à assurer la bonne santé des salariés. Elles l’ont fait en appliquant la logique du « test and learn », en multipliant les partenariats, en étant créatifs. Un programme comme UP’ICIL illustre bien cet esprit d’innovation.

Dans les années à venir, devons-nous nous attendre à l’émergence de nouveaux risques en matière de protection sociale ?

Nous voyons effectivement émerger de nouveaux risques en assurance de personnes. Les couvertures proposées doivent tout d’abord s’adapter aux évolutions du monde du travail (salariés en mobilité, télétravail, etc.). Il faut également composer avec les enjeux environnementaux, les risques pandémiques et le cyber-risque.

Les IP doivent faire face à ces nouveaux risques dans le contexte contraint que j’ai décrit, trouver de nouveaux équilibres tout en continuant à proposer des solutions différenciantes. Pour les aider à relever ces différents défis, le CTIP est plus que jamais à leurs côtés !